Les microalgues, le biocarburant du futur
Les plus assidus en cours de « sciences nat’ » se souviennent que le phytoplancton est en quelque sorte le carburant de la vie sous-marine. Ces microalgues sont à la base de la chaine alimentaire depuis des millions d’années, mais on n’a découvert que récemment qu’elles pourraient également remplacer le gasoil, et faire rouler les véhicules terrestres sans générer de pollution.
En pointe sur ces recherches, le laboratoire océanologique de Villefranche-sur-Mer (LOV) est associé à l’ambitieux projet français GreenStars. « Le phytoplanction est composé d’organises tout petits mais très compliqués, expose Antoine Sciandra, le directeur du LOV. Nous avons découvert qu’en le stressant avec de l’azote il produit de grandes quantités de lipides ».
Cette huile végétale d’origine marine est la base du biodiesiel, capable de faire fonctionner les moteurs à explosion. Encore faut-il trouver le procédé industriel pour le produire en grande quantité. C’est là qu’intervient l’INRIA. « L’objectif de GreenStars est de devenir l’un des cinq pôles d’excellence mondiaux dans le domaine des bioraffineries de microalgues », explique Olivier Bernard, directeur de recherches à l’INRIA.
« A court terme, poursuit le scientifique, nous sauront produire pour l’aquaculture (de la nourriture pour les poissons d’élevage, NDLR), puis pour l’industrie cosmétique et dans dix ans pour le marché de l’énergie ». Car si les scientifiques savent déjà créer du biocarburant à base de phytoplanction, son coût est encore prohibitif (10 euros le litre environ). Mais dans une décennie, on pourrait trouver ce carburant vert à la pompe, pour 0,89 euros !
Les micro-algues sont pleines de promesse
Les algues ne concernent pas seulement les voitures : les avions s’y mettent aussi ! La société AlgaeLink, basée aux Pays-Bas, a indiqué qu’elle a signé un accord avec la compagnie aérienne franco-néerlandaise Air France/KLM pour le développement et la production de carburant à partir d’algues qui alimentera les avions.
La promesse de l'algue
Carburant, nourriture,
valorisation du CO2, traitement des rejets, les micro-algues
seront-elles la nouvelle grande ressource de la planète ? Après la
conquête de l'ordinateur et de ses réseaux au XXème siècle, celle de la
mer représente-t-elle le prochain défi technologique du XXIème ?
Reportage.
Tout semble placé sous le signe de l'eau à
Townsville, paisible bourgade du Queensland, épinglée en haut de la côte
est de l'Australie. L'océan cerne le voyageur tandis qu'une inlassable
pluie ne lui laisse aujourd'hui aucun répit. Cet univers aqueux le
poursuit jusque sur le campus de la James Cook University (JCU). Ici, on
est à la pointe de l'étude du monde maritime. L'endroit n'a rien à voir
avec la Calypso du commandant Cousteau et ses marins savants. L'un des
plus étonnants laboratoires de la JCU offre en effet un visage beaucoup
moins romantique: il ressemble à une exposition de piscines comme on en
trouve dans les périphéries des grandes villes méridionales. D'énormes
bassins en plastique thermoformés remplis d'une substance verdâtre, qui a
du être un jour de l'eau, nourrissent l'activité d'une armada de
chercheurs en bottes en caoutchouc. L'anglais se parle avec de multiples
accents, car les membres de cette équipe viennent d'Allemagne,
d'Autriche, de Grande-Bretagne, des États-Unis, de France ou encore de
la proche Nouvelle-Zélande. Bienvenue dans l'univers cosmopolite des
micro-algues. Pourquoi donc cette tour de Babel d'éminents spécialistes de biologie maritime s'obstine-t-elle à patauger autour de ces cuves remplies d'une peu engageante matière? Sans doute parce que ces scientifiques se sentent investis d'une mission, persuadés que les micro-algues sont un nouveau Graal dont ils sont à la fois les dépositaires et les premiers chevaliers. Ces petits organismes n'ont rien à voir avec les algues qui encombrent et empestent le littoral breton. Aussi méconnus que nombreux (il existerait plusieurs centaines de milliers de souches différentes), ils semblent eux parés de qualités surnaturelles. D'abord, ils peuvent assez aisément se transformer en biocarburant. Ils sont également capables de dégager l'hydrogène, nécessaire au fonctionnement des piles à combustibles qui feront avancer nos futures voitures. Les micro-algues sont également capables de nettoyer les eaux usées des ensembles immobiliers un peu à la manière d'une super fosse sceptique. Leur biomasse est de surcroît riche en précieux oméga 3 et 6 et fournit en prime des protéines sinon délicieuses, du moins comestibles.
Le meilleur pour la fin: les micro-algues ont besoin d'importantes quantités de gaz carbonique (CO2) pour leur croissance, transformant par un tour de passe-passe chimique ce vilain polluant en intéressant ingrédient. Avec des résultats sidérants: une tonne de CO2 permet, si tout va bien, de produire 1,8 tonne quotidienne de micro-algues! Une aubaine tout aussi inattendue qu'inespérée pour tous les grands pollueurs de la planète, comme les industries métallurgiques et minières. Cela n'a pas échappé au groupe d'extraction minière Anglo Américan, qui est entré à hauteur de 20 % dans le capital de la société australienne MBD Energy, dédiée essentiellement à l'exploitation des micro-algues. Cette entreprise est partenaire de la JCU dont elle finance une bonne partie des travaux sur le sujet.
«Nous
ne devons jamais perdre de vue les questions liées à la biosécurité»,
dit Larry Sirmans, directeur technique de la société australienne MBD.
Sur
le campus de Townsville, l'activité des chercheurs est du reste évaluée
par Larry Sirmans, le directeur Technique de MBD. Physique
d'aventurier, la petite quarantaine, ce personnage rond et jovial est un
ancien militaire américain, blessé et mutilé (il lui manque un pouce)
au début de la première Guerre du Golfe en 1991. Il aime se présenter
comme un spécialiste des unusual energies, des énergies «inhabituelles».
Les micro-algues ont selon lui un véritable avenir. «C'est le moyen le
plus performant pour valoriser les émissions de CO2 et donc de lutter
contre l'effet de serre», dit-il, fasciné par leur capacité à «manger du
carbone». Leur faculté à produire de l'énergie, voire des aliments ne
semble que secondaire à ses yeux. Larry tempère malgré tout son
enthousiasme au regard des risques que les cultures intensives de
micro-algues peuvent faire peser sur la biosécurité. «Créer et ensuite
diffuser des espèces dangereuses pour les environnements locaux, comme
nous l'avons fait avec certains batraciens et même quelques algues
marines, serait un vrai drame», s'inquiète-t-il.
Le
Pr Kirsten Heimann, de la James Cook University, à Townsville, en
Australie. «Les micro-algues seront-elles à la haute technologie ce que
le micro-ordinateur a représenté pour l'informatique?»
Riggs
Eckelberry, OriginOil, préside une start up sise à Los Angeles. «Les
algues ont participé à la création du monde en purifiant notre
atmosphère, assurant à l'homme ses conditions d'existence»,
rappelle-t-il.
Féroce traque du CO2
La gourmandise de ces micro-organismes marins pour les nutriments leur ouvre une voie inattendue: une incroyable possibilité de traitement des eaux usées de l'habitat en agissant comme une super-fosse sceptique. Avec, à nouveau, l'imparable argument écologique de la réduction du gaz à effet de serre. «Les bâtiments représentent 44 % de l'énergie consommée en France et 25 % des rejets de CO2», souligne Pierre Tauzinat, récemment chargé pour Bouygues de deux importantes missions d'études en Ile-de-France.
Mais la plus féroce traque du CO2 se déroule néanmoins dans le ciel plus que sur la terre. Les énormes quantités de CO2 produites par les réacteurs des avions commerciaux représente une chance pour l'«algokérosène». Là encore, les micro-algues offre d'incroyables avantages. Le carburant issu de ces petits organismes possède en effet un double avantage technique par rapport aux autres biocarburants issus du monde végétal: un, il est miscible sans difficulté avec le carburéacteur traditionnel d'origine fossile, deux, il ne gèle pas à haute altitude. Les propulseurs du prototype de l'avion-fusée volant à 5 000 km/h dévoilé en juin dernier par EADS au salon du Bourget devraient pour partie fonctionner avec un jetfuel extraits de micro-algues. Associé avec Peugeot, EADS teste depuis plusieurs mois ce t incroyable biocarburant .
Plusieurs obstacles restent toutefois à franchir avant que les micro-algues investissent nos réservoirs d'essence et les canalisations de nos immeubles. Le premier d'entre eux est tout simplement le coût du pétrole sur le long terme.
Une tendance à la baisse n'incitera guère à l'investissement dans une recherche gourmande en capitaux. Et avant de pouvoir produire de grandes quantités d'énergies issue du phytoplancton, et à un prix le plus faible possible, il faudra s'assurer de la fiabilité et de la constance des performances de ces mystérieux micro-organismes. «Aucun de ces obstacles n'est infranchissable», estime le Pr Heimann. «Comme pour l'ordinateur, l'investissement sera largement remboursé, par la large diffusion des applications issues des micro-algues». «Nous sommes encore loin de maîtriser l'ensemble des procédés d'exploitation. Et il ne s'agit pas non plus de créer une énergie qui exige plus de moyens, ou d'énergie, qu'elle n'en délivre», relativise pour sa part le Pr Jack Legrand, l'un des experts tricolores des technologies appliquées aux micro-algues.
Plusieurs projets d'envergure ont cependant été mis en œuvre. Bio Fuel System (BFS) produit de l'algocarburant à Alicante, et MBD a récemment ouvert une usine à Tarong, en Australie. Cultivées dans d'énormes poches, des champs de micro-algues profitent là-bas du soleil et des tonnes de rejets de CO2 dégagés à proximité par une centrale électrique fonctionnant au charbon.
Les futures taxes sur le CO2 favoriseront sans aucun doute le développement de l'industrie des micro-algues. Mais les multiples possibilités d'exploitation qu'elles offrent les placent au-delà du strict cadre écologique. Et elles n'encourront jamais le reproche d'être des «carburants de la faim» provenant de cultures vivrières entrant en concurrence avec l'alimentation humaine.
La production de biocarburants en mer pourrait résoudre de nombreux problèmes posés par les biocarburants conventionnels.
bioenergie-promotion.fr
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22 octobre 2013, récolte et préparation des micro-algues
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Nouveau rapport sur les différentes utilisations des microalgues
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En Ecosse aussi, on réfléchit aux algocarburants
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Fort potentiel pour les biocarburants à base d’algues au Canada
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Le centre de recherche de Jülich mobilise 7,4 M€ pour les algokérosènes
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Un centre germano-australien de recherche sur les bioénergies à partir de micro-algues
Mémoire : Microalgues pour biocarburants de 3e génération
Les biocarburants de 3e génération à base de microalgues ou algocarburants sont prometteurs et présentent de nombreux avantages par rapport aux biocarburants issus de plantes terrestres. Toutefois, avant que la production de microalgues puisse jouer un rôle compétitif dans l’industrie des combustibles, la recherche scientifique doit être poursuivie afin de lever les verrous techniques et économiques qui handicapent leur développement. De plus, des démonstrations à grande échelle doivent être réalisées pour prouver le potentiel de cette industrie de la microalgue.
Cependant, les biocarburants, toutes générations confondues,
ne seront pas en mesure de satisfaire la totalité de la demande en carburants
de façon équivalente aux tonnages de combustibles fossiles produits. L'une
des solutions possibles est alors la symbiose de technologie : cette méthode,
déjà opérationnelle, permet d’améliorer le bilan environnemental.
Par exemple, en 2009, la start-up américaine
Sapphire Energy
a mis au point l’Algaeus, une Prius hybride roulant à l’électricité et à
l’algocarburant. La voiture a fait un circuit de démonstration de 6000 km,
de San Francisco à New York. La même année, un Boeing 737-800 de Continental
Airlines a effectué un vol d'essai de 90 minutes de Houston vers le Golfe du
Mexique et la Louisiane avec dans ses réservoirs 50% de kérosène et 50% d'un
mélange de biocarburants jatropha et algues.
L’Algogroup publie son étude sur l’avenir de la filière des algocarburants...
d'autres recherches en cours : Capter l’énergie solaire avec des algues
Recherche : capter l’énergie solaire avec des
Biomasse, biogaz, biocarburants… Le petit monde des cleantechs leur fait les yeux doux. Naguère ignorées voire redoutées, les algues représentent désormais un gisement inespéré d’éco-innovations. Dernier exemple en date : les travaux d’une équipe de l’université de Stanford qui annonce avoir mis au point une méthode pour produire de l’électricité à partir de Chlamydomonas, un genre d’algues vertes. Présenté dans le numéro de mars de la revue Nano Letters, le procédé repose sur la conversion de la lumière solaire en énergie chimique par les chloroplastes de l’algue lors de la photosynthèse. Une puissance que l’équipe de Stanford a réussi à exploiter en implantant des électrodes en or à l’intérieur des chloroplastes. « Nous pensons être les premiers à extraire des électrons des cellules d’une plante en vie » se félicite WonHyoung Ryu, l’un des responsables des recherches cité par TheHindu. Une première qui a valu au projet de recevoir le financement du « Global Climate and Energy Project » de l’université de Stanford et du fonds de recherche de l’université Yonsei (Corée du Sud).
Une production électrique encore très faible
Annonciatrice d’une éventuelle future technologie de production de bioélectricité à base d’algues, la découverte des scientifiques californiens n’en est qu’à ses balbutiements. Chaque cellule « équipée » ne produirait pour l’instant qu’une puissance d’un pico-ampère [1]. Une valeur extrêmement faible que les chercheurs espèrent faire monter en flèche dans les prochaines années. Selon eux, l’efficacité de leur méthode serait actuellement de seulement 20%. La marge de progression est donc importante même si rien ne garantit que l’expérience embryonnaire de Stanford pourra passer le cap de la production d’énergie à grande échelle. Dans un communiqué de l’université de Stanford, WonHyoung Ryu précise ainsi que son procédé entraîne pour l’instant la mort des cellules « exploitées » après une petite heure. Un souci majeur que les chercheurs devront régler s’ils souhaitent passer des pages abscondes des revues scientifiques aux « Unes » des grands magazines internationaux.
[1] 10−12 ampère
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